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2005

HEYL, Christoph, A Passion for privacy. Untersuchungen zur Genese der bürgerlichen Privatsphäre in London (1660-1800)

Christophe Duhamelle
Christoph HEYL, A Passion for privacy. Untersuchungen zur Genese der bürgerlichen Privatsphäre in London (1660-1800), München : Oldenbourg (Veröffentlichungen des Deutschen Historischen Instituts London, 56), 2004, 574 p., 116 ill. n. et b., 64,80 €.
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Texte intégral

1Inauguré en 1976, l’Institut Historique Allemand de Londres était alors le troisième du genre (après Rome et Paris) ; depuis cette date, des institutions comparables ont été créées à Tokyo, Washington et Varsovie. Ce centre joue un rôle majeur dans le développement des études britanniques parmi les historiens allemands et de la collaboration entre collègues des deux pays. Les travaux du centre (colloques ou monographies) sont accueillis dans une collection riche désormais de près de soixante ouvrages. Le livre de C.H. peut donc être lu, tout d’abord, comme un témoignage de l’importance que revêt l’institut londonien et du profit que retire le travail historique de la confrontation avec des sujets et des historiographies étrangères.

2Dans cette étude portant sur la sphère privée à Londres aux XVIIe et XVIIIe s. (un domaine peu fréquenté outre-Rhin), l’auteur se réfère en effet aussi bien aux théories de J. Habermas qu’aux travaux de R. Sennett et à l’Histoire de la vie privée dirigée par Ph. Ariès et G. Duby, et en fait fructifier les apports autant qu’il en relativise certaines conclusions : rejetant toute causalité unique pour l’émergence du privé, C.H. nuance en particulier le rôle du développement de l’État ou du capitalisme et souligne au contraire celui de la vie urbaine elle-même, qui atteint alors un degré de complexité, de densité et d’insécurité inédit. L’ouvrage se recommande en particulier par la diversité et le nombre des sources utilisées (et souvent citées, en langue originale), des inventaires après décès aux récits de voyage, des périodiques aux livres de bonnes manières, des références les plus attendues (gravures de Hogarth, romans) aux plus étonnantes (comme ces Phrase books, manuels de formules standardisées, où l’on trouve par exemple un étonnant arsenal de prétextes que doivent utiliser les domestiques pour ne pas laisser entrer un visiteur importun, ou inconnu, p. 242).

3C.H. étudie tout d’abord les modifications matérielles de l’espace urbain (accélérées par le grand incendie de 1666) signalant une séparation plus nette entre l’habitat des middle classes – héroïnes de cet ouvrage – et la rue. L’apparition de l’area (fossé bordé d’une grille situé entre maison et rue) et celle du square (place privée accessible aux seuls riverains) en sont deux indices. La disposition intérieure des appartements isole et spécialise les pièces, faisant du rapport au corps un exercice secret (évolution dont le chamber horse, ancêtre équestre du vélo d’appartement, constitue un cocasse jalon, p. 198-200), cependant que la visite des « étrangers » est de plus en plus restreinte et codifiée. Le privé s’exporte également dans l’espace public : tandis que les manuels de convenances multiplient les injonctions de neutralité en pleine rue, le port du masque pour les femmes est davantage un moyen de signaler qu’on ne veut pas être reconnue qu’une manière de ne pas l’être.

4Cette évolution ne se réduit cependant pas à un adieu aux autres ; l’intime suscite autant de nouveaux désirs et de nouvelles interactions que de nouvelles protections. L’utilisation croissante et protéiforme de l’anonymat et des messages personnels au sein de périodiques en plein essor est analysée en ce sens, de même que l’explosion du roman (C.H. relève en particulier la thématique de l’homme invisible), non seulement reflet du goût de chacun pour sa propre intimité (comme le sont les portraits du type conversation pieces) mais également mise en scène de la violation de l’intimité de l’autre (comme les gravures de Hogarth, où C.H. relève l’omniprésence de l’intrusion).

5Voilà un livre nuancé, savant et savoureux à qui l’on souhaite une réception tout aussi européenne que son inspiration.

6Christophe DUHAMELLE (MHFA)

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Pour citer cet article

Référence électronique

Christophe Duhamelle, « HEYL, Christoph, A Passion for privacy. Untersuchungen zur Genese der bürgerlichen Privatsphäre in London (1660-1800) », Revue de l'IFHA [En ligne], Date de recension, mis en ligne le 01 janvier 2005, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/ifha/870 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ifha.870

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