Navigation – Plan du site

AccueilLibrairie / RecensionsDate de recension2005GREYERZ, Kaspar von, JAKUBOWSKI-T...

2005

GREYERZ, Kaspar von, JAKUBOWSKI-TIESSEN, Manfred, KAUFMANN, Thomas, LEHMANN, Hartmut, Interkonfessionalität – Transkonfessionalität – binnenkonfessionelle Pluralität. Neue Forschungen zur Konfessionalisierungsthese

Christophe Duhamelle
Kaspar VON GREYERZ, Manfred JAKUBOWSKI-TIESSEN, Thomas KAUFMANN, Hartmut LEHMANN (dir.), Interkonfessionalität – Transkonfessionalität – binnenkonfessionelle Pluralität. Neue Forschungen zur Konfessionalisierungsthese, Gütersloh : Gütersloher Verlagshaus (Schriften des Vereins für Reformationsgeschichte, 201), 2003, 290 p., 29,95 €.
Haut de page

Texte intégral

1S’il peut faire sourire un Français, le titre en forme de comptine ne témoigne pas uniquement de la plasticité de la langue allemande, mais aussi d’une réflexion approfondie sur l’idée de « confession » à partir du concept de « confessionnalisation ». Ce dernier privilégie, au sein des trois grandes confessions chrétiennes, les points communs qui assurent la cohésion de chacune d’entre elles. Enté sur un schème plus vaste – la modernisation conçue comme une dialectique entre différenciation sociale et avènement d’un vecteur d’unité et de discipline, l’État moderne –, il suppose une hiérarchie entre les autoroutes qu’empruntent les bolides et les départementales où musardent les tacots. Le présent ouvrage, au contraire, se penche sur les chemins de traverse, non par goût frondeur d’une histoire bucolique, mais par conviction qu’un paysage ne peut se réduire à un itinéraire. Ce n’est pas en effet la distinction classique (et légitime) entre une confessionnalisation « par en-haut » et de plus complexes interactions « par en-bas » qui domine ici le débat (sauf N. GROCHOWINA sur la Frise), mais la notion de confession elle-même, revisitée par de jeunes chercheurs.

2Cet entretien sur la pluralité des mondes confessionnels recense tout d’abord les zones d’indifférence et les champs sociaux dont les règles à la fois relativisent et constituent la confession : l’armée, foyer, en vertu de son recrutement, d’une pluralité religieuse diffusée par le biais des billets de logement (R. PRÖVE) ; la République des lettres, non pas arche sainte de la tolérance, comme le montre l’étude d’A. SCHUBERT sur le catholique Nihus et le calviniste Vossius à Amsterdam, mais combinant à sa façon la concurrence confessionnelle, la collégialité ambiguë et la réflexion partagée sur la recherche de la vérité. Cette dernière comporte en outre, pour les théologiens, une obligation d’universalité qui ne peut uniquement s’accommoder d’affirmations obsidionales et présuppose un mode de communication interconfessionnel (H. J. MÜLLER sur la querelle irénique de Danzig, 1645-1647) ainsi qu’un inconfort récurrent : la vérité pour tel camp ne serait-elle pas valide que si elle était vérité pour tous ? « Nec Pontificius, vel ut dici vult, Catholicus, Lutheranus, reformatus, Photinianus ut talis coelum intrabis, sed Christianus », écrit en 1645 le théologien protestant Heinrich Nicolai (p. 172, n. 89). Ce doute sur la capacité des confessions à assurer le Salut dès lors qu’elles prétendent le réserver à leurs seules ouailles, combiné à la distorsion entre conflit théologique et coexistence juridique, entre opportunités de carrière et appartenance confessionnelle, contribue à cette religio politica dont M. MULSOW propose de faire le fil directeur de recherches sur l’indifférentisme. L’armée, les théologiens : les marges de la confessionnalisation se rapprochent singulièrement de son foyer – de cette fabrique de modernité dont H. LEHMANN suggère qu’elle a peut-être eu moins d’influence que les oscillations climatiques du « petit âge glaciaire ».

3Si le centre recèle des marges, c’est au mouvement inverse qu’invite l’article de Th. KAUFMANN sur la notion de « Schwärmerei » pour la théologie orthodoxe luthérienne : ce sont les marges qui permettent d’appréhender le centre. En effet, les efforts pour définir et rejeter l’hétérodoxe définissent à leur tour le concept de « confession » qui relève dès lors de la tension davantage que de la norme et fait de l’intégration confessionnelle un problème et non une arme. Les marges ne sont pas le « non-confessionnalisable » que des critiques antérieures reprochaient aux tenants de la confessionnalisation de ne pas prendre en compte ; elles sont aussi nécessaires à la confession que l’eau au navire.

4L’appareil conceptuel y gagne une plasticité nouvelle. R. VON MALLINCKRODT propose ainsi d’en faire un instrument de tri, et non de hiérarchisation. Constatant que la Cologne du XVIIe s. voit coexister les confréries post-tridentines et « confessionnalisées » avec leurs homologues plus anciennes et autonomes, et refusant de les répartir entre mouvement et résistance, elle conclut : « le paradigme de la confessionnalisation reste indispensable pour bien distinguer ces variantes, mais il doit être dépassé pour en relativiser la signification » (p. 47). G. LAUER tente quant à lui une application aux communautés juives du concept de confessionnalisation par là même ramené à une logique interne à la sphère religieuse et, en plaçant au centre le dialogue entre orthodoxie et dépassement de l’orthodoxie, il rejoint en partie les analyses de Th. Kaufmann. Notons cependant que seule F. VOLKLAND suggère d’abandonner totalement la notion de confessionnalisation, après l’avoir sans doute un peu trop restreinte (voir la recension de son ouvrage dans le présent Bulletin).

5Étape importante dans la vaste réflexion historiographique engendrée par le concept de « confessionnalisation » (et on ne soulignera jamais assez le caractère central de ce débat pour la structuration récente des « modernistes » en Allemagne et pour l’intégration du religieux à leur champ de recherche), ce recueil met au jour avec acuité un paradoxe de la science historique, qui ne peut être une science du concept ni ne peut se passer de concepts. L’historiographie allemande, souvent tentée d’oublier qu’un concept lui sert à appréhender un objet et non à vérifier l’identité entre objet et concept, est particulièrement encline au malaise face aux rapports entre universalité du concept et diversité du matériau historique. L’adaptation du concept au matériau (par prolifération des « -ität » et des « -isierung ») est infiniment plus honnête que l’opération inverse, mais on trouve rarement une réflexion sur ces rapports eux-mêmes. C’est aussi ce que propose ce livre.

6Christophe DUHAMELLE (MHFA)

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Christophe Duhamelle, « GREYERZ, Kaspar von, JAKUBOWSKI-TIESSEN, Manfred, KAUFMANN, Thomas, LEHMANN, Hartmut, Interkonfessionalität – Transkonfessionalität – binnenkonfessionelle Pluralität. Neue Forschungen zur Konfessionalisierungsthese », Revue de l'IFHA [En ligne], Date de recension, mis en ligne le 01 janvier 2005, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/ifha/867 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ifha.867

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
  • Logo IFRA – Institut franco-allemand. Sciences historiques & sociales
  • Logo Goethe Universität
  • Logo Ministère des affaires étrangères
  • Logo Fondation maison des sciences de l'homme
  • OpenEdition Journals
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search