BABEL, Rainer, Deutsch-Französische Geschichte 1500 bis 1648. Deutschland und Frankreich im Zeichen der habsburgischen Universalmonarchie 1500-1648
Texte intégral
1L’ouvrage de R.B. constitue le troisième tome de l’Histoire franco-allemande, projet actuellement porté par l’Institut historique allemand de Paris. Par conséquent, il nous propose non seulement une analyse de l’« antagonisme France-Habsbourg », mais encore une étude des multiples relations économiques, sociales et culturelles qui unissent l’Allemagne et la France entre 1519 et 1648.
2Une partie « structurelle », ou plutôt chronologique, présente succinctement mais efficacement le conflit pour la suprématie qui oppose le roi et l’empereur entre 1500 et 1648. Avec le partage des ambitions italienne et bourguignonne en 1559, cet antagonisme séculaire se reporte en partie sur le Saint-Empire. Cependant, même désuni, le Saint-Empire ne se laisse que difficilement instrumentaliser dans une lutte dynastique. R.B. y insiste : cette lutte pour la suprématie politique engage bien l’identité des uns et des autres. En effet, afin de préciser la position de la monarchie française en Europe, les juristes d’Henri II commencent à développer le thème de la protection des libertés germaniques, à revendiquer le vicariat de Metz, Toul et Verdun et à formuler la définition de la frontière naturelle. En 1648, il en va toujours de la formation des identités politiques – souveraineté contre jura superioritatis –, avant les solidarités confessionnelles, jusqu’à remodeler les principes structurants du Saint-Empire.
3L’analyse de cette construction politique en miroir justifie la première partie. L’objectif de l’ouvrage se cristallise cependant plus fortement encore dans la deuxième partie et dans la quasi troisième partie bibliographique qui, à travers les « questions et problèmes », tracent les grandes lignes d’une autre histoire dont certains pans restent à écrire, comme le constate l’auteur. Il ne s’agit plus seulement de la construction des identités politiques, mais bien des identités collectives et individuelles. Allemands et Français se rencontrent au cours de leurs voyages, se parlent – la langue de l’un contribue aussi, par emprunt et imitation, à façonner celle de l’autre –, reçoivent les productions culturelles, font du commerce et, par là, échangent informations, savoirs et préjugés. En dépit de structures non exclusivement franco-allemandes, puisque les chemins et les centres économiques tels Francfort ou Lyon unissent d’abord l’Europe du Nord et la Méditerranée, émergent des délimitations et des représentations symboliques qui contribuent à la construction des identités nationales.
4L’auteur conserve soigneusement l’équilibre entre les deux entités considérées, même si parfois les espaces ou les acteurs – Francfort, Lyon, Genève, le roi, l’empereur, les princes calvinistes – paraissent en nombre réduit. Mais le but d’une histoire franco-allemande n’est évidemment pas de se substituer aux histoires « nationales » et l’ouvrage devait conserver son caractère de synthèse. Quoi qu’il en soit, la difficulté de l’entreprise demeure. Les dissymétries – ni l’Empereur ni le Saint-Empire ne sont l’Allemagne, quand le roi n’est pas encore exactement la France – ne devraient pas seulement encourager à puiser dans une boîte à outils éprouvée (voyage, commerce, frontière, nation…) et à fixer des entités, allemande ou française, sans poser la question d’un fonds commun et de ses diverses appropriations. R.B. nous invite à considérer l’histoire franco-allemande comme un chantier en cours. Cette histoire doit contribuer à une réflexion sur les voisinages et devenir un paradigme pour une histoire de la construction par transfert des identités européennes.
5Christine LEBEAU (Université de Paris I – Panthéon-Sorbonne)
Pour citer cet article
Référence électronique
Christine Lebeau, « BABEL, Rainer, Deutsch-Französische Geschichte 1500 bis 1648. Deutschland und Frankreich im Zeichen der habsburgischen Universalmonarchie 1500-1648 », Revue de l'IFHA [En ligne], Date de recension, mis en ligne le 01 janvier 2006, consulté le 17 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/ifha/730 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ifha.730
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page