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2006

WERNER, Matthias, Spätmittelalterliches Landesbewußtsein in Deutschland

Pierre Monnet
Matthias WERNER (dir.), Spätmittelalterliches Landesbewußtsein in Deutschland, Ostfildern : Thorbecke (Vorträge und Forschungen, 61), 2005, 430 p., 64 €.
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Texte intégral

1Il n’est pas utile de rappeler plus longuement l’importance que revêt en Allemagne, sur la longue durée, la conscience régionale attachée à un Land. C’est aux origines médiévales de ce processus identitaire, à ses cadres et formes d’expression, à ses groupes porteurs et à ses fonctions, que s’attache ce recueil d’études rassemblées à l’occasion du colloque organisé en avril 2000 par le célèbre Konstanzer Arbeitskreis für mittelalterliche Geschichte. Plusieurs axes de recherche sont particulièrement suivis dans cette publication : non seulement ce que fut le Land pour les acteurs politiques médiévaux et pour les sujets ou bien pour les chroniqueurs et les historiens, mais aussi ce qu’il est pour les médiévistes, spécialement les médiévistes allemands très marqués par la tradition vivace de la Landesgeschichte depuis le XIXe s. C’est essentiellement sur ces deux plans que se déploie la réflexion, entre chroniqueurs d’hier et historiens d’aujourd’hui. Chroniqueurs d’hier : nul doute en effet que les historiens ont été dans les trois derniers siècles du Moyen Âge les grands inventeurs d’une conscience régionale articulée autour d’une terre et d’une dynastie, bref qu’ils furent les grands pourvoyeurs pour les princes et leurs sujets d’une identité du Land dont, cependant, la définition et les contours sont très variables. Est-ce une terre, un territoire, une principauté, l’espace historique d’une tribu, le ressort d’un prince, une simple mémoire ? Pour les médiévistes français et allemands, les travaux de J.-M. MOEGLIN sur l’identité régionale allemande et plus récemment flamande sont bien connus. C’est par sa communication sur la Flandre justement que s’ouvre le recueil, éclairant le cas instructif et singulier d’un territoire pris entre la France et l’Empire, confronté au XVe s. à la construction territoriale bourguignonne, partagé entre identité comtale et particularismes communaux. Cette complexité explique que si l’invocation de la continuité de la dynastie comtale s’est révélée un ressort puissant de l’identité régionale parvenant à coaguler une terre, une région et ses habitants, cette construction pouvait être et fut bien remise en cause à de multiples reprises (p. 52). Suivent des contributions de nature thématique sur la synthèse et la redéfinition d’une histoire régionale en lien avec les débuts d’une histoire nationale à l’échelle européenne au temps de l’humanisme (J. HELMRATH) et sur la fonction des composantes politiques et juridiques de l’histoire régionale (E. BÜNZ). Viennent ensuite des études régionales de cas qui se partagent en deux groupes. La première série rassemble les cas de la Souabe (D. MERTENS), de la Franconie (J. PETERSOHN, son exposé n’a pu être publié) et de la Westphalie (P. JOHANEK), chacun pouvant se fonder sur le substrat ancien d’une origo, d’une gens, d’un nomen et d’une patria dont la tradition a été reprise par de multiples acteurs, tant ecclésiastiques (l’archevêque de Cologne par exemple en Westphalie) que laïcs, sans que joue pour autant l’œuvre unificatrice d’une dynastie régionale, renforçant en réaction l’importance du droit et de la coutume, ou bien de la langue. La seconde série rassemble les cas où un passé « gentile » fait défaut, ainsi pour l’Autriche composite des Habsbourg (W. STELZER) où le rôle de la dynastie est d’autant plus important, pour les anciens Pays Bas, la Rhénanie ou la Lotharingie où la conscience régionale ne s’est pas épanouie (F. G. HIRSCHMANN), ou bien pour les principautés orientales nées de l’installation à l’Est sous la forme d’une symbiose du neuf et de l’ancien, du germanique et du slave, et d’une invention de la tradition comme en Silésie (A. RÜTHER) ou en Mecklembourg et Poméranie (M. SCHEIBE, son exposé n’a pu être publié). Les cas bien étudiés de la Bavière, de la Thuringe ou de la Saxe étant connus, on n’en retrouve pas trace dans ce tour d’horizon, de sorte que les études rassemblées ici s’inscrivent en complément d’une recherche régionale en pleine mutation grâce au regard critique qu’elle porte sur elle-même.

2Justement, l’autre versant de la réflexion concerne la mise en place et les usages de la Landesgeschichte depuis le XIXe s. Allemagne, tant il est vrai que, associée à la Siedlungsgeschichte, à l’histoire du peuplement étroitement couplée à celle de la Heimat, elle put servir non seulement au temps du nationalisme mais jusqu’à celui du national-socialisme, à justifier par exemple les revendications « germaniques » sur tel ou tel territoire, principalement à l’Est. Par ailleurs, le débat reste actuel, à suivre la bibliographie abondante sur le sujet produite tout au long du XXe s. (E. BÜNZ), de savoir si la conscience du Land a précédé celui-ci ou bien l’a suivi.

3C’est à bon droit dès lors que B. SCHNEIDMÜLLER organise sa conclusion autour de la question de savoir si la conscience du Land et la Landesgeschichte sont, hier comme aujourd’hui, des spécificités allemandes. Ce faisant, c’est avant tout à une pluralité de cas qu’il aboutit pour les pays de l’Empire : à l’est et au nord-est on constate plutôt une coïncidence entre le Land et la principauté, au nord domine une pluralité urbaine qui empêche qu’un nom de terre ou de province s’impose (par exemple face à la Hanse), à l’ouest c’est le Rhin qui forme le substrat des dénominations régionales, au cœur de l’Empire continuaient de vivre les appellations fondées sur les gentes (Bavarois, Souabes, Francs, Saxons, Thuringiens). C’est donc davantage la survivance parallèle au sein d’un même ensemble impérial de plusieurs processus d’identité, d’identification et de dénomination régionales qui doit retenir l’attention. Pour ce qui ne concerne cette fois plus l’Empire, B. SCHNEIDMÜLLER en appelle légitimement à une enquête de dimension européenne : les questions de Landesgeschichte posées par la médiévistique allemande peuvent-elles être appliquées aux autres régions historiques de France, d’Espagne, d’Italie ou de Pologne… ? L’enquête reste ouverte, et actuelle au temps de l’Europe des régions.

4Pierre MONNET (École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris)

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Pour citer cet article

Référence électronique

Pierre Monnet, « WERNER, Matthias, Spätmittelalterliches Landesbewußtsein in Deutschland », Revue de l'IFHA [En ligne], Date de recension, mis en ligne le 01 janvier 2006, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/ifha/726 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ifha.726

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