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2006

WADAUER, Sigrid, Die Tour der Gesellen. Mobilität und Biographie im Handwerk vom 18. bis zum 20. Jahrhundert

Guillaume Garner
Sigrid WADAUER, Die Tour der Gesellen. Mobilität und Biographie im Handwerk vom 18. bis zum 20. Jahrhundert, Frankfurt am Main/ New York : Campus (Ludwig-Boltzmann-Institut für Historische Sozialwissenschaft. Studien zur Historischen Sozialwissenschaft, 30), 2004, 418 p., 45 €.
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Texte intégral

1Comprendre la signification de la mobilité des compagnons en Allemagne et en Autriche du XVIIIe s. aux années trente du siècle précédent : tel est l’objectif de cette étude à la fois originale et ambitieuse. S.W. est en effet partie d’un double constat. D’une part, le « tour » des compagnons constitue l’un des éléments cruciaux dans le débat qui traverse le XVIIIe et le XIXe s. sur les bienfaits ou les méfaits des corporations : il en résulte un ensemble de discours qui, comme le montre S.W. à partir de l’analyse de sources normatives, définissent un certain nombre de références légitimes quant à ce que doit être un tour « authentique » de compagnon. D’autre part, sur la base de récits auto-biographiques de compagnons qui constituent l’essentiel de son corpus, l’auteure montre que le tour est également un moment-clé dans l’affirmation d’une identité que l’appartenance à une corporation ne suffit pas, loin de là, à définir totalement.

2S.W. cherche donc à étudier l’espace de la mobilité des compagnons, les modes à la fois consensuels et conflictuels selon lesquels cette mobilité est engendrée. Selon elle, les différents voyages accomplis et décrits par les compagnons ne doivent pas être considérés isolément, mais en relation à la fois les uns avec les autres, et avec les références normatives précédemment définies. Ces récits autobiographiques s’inscrivent donc dans un « espace des possibles » qui est défini par ce que S.W. appelle deux « sous-espaces » : le premier est celui du « tour », et est organisé par un modèle faisant du compagnon le représentant de sa corporation et cherchant à perfectionner son savoir-faire, à achever sa qualification, tandis que le second est celui du « voyage » proprement dit, et se structure autour du modèle du voyage savant et érudit, dans lequel la curiosité et la volonté d’acquérir une connaissance désintéressée du monde constituent un modèle de comportement. S.W. a donc dépouillé et codé 43 récits autobiographiques de statuts très divers (les uns imprimés, voire plusieurs fois réédités, les autres simples manuscrits) pour les situer au sein de cet espace des possibles de la mobilité des compagnons, pour définir leur position par rapport à ces deux axes, à ces deux types de légitimité (celle du « tour », celle du voyage), et a pour cela recouru à la technique de l’analyse des correspondances multiples, qui débouche sur l’élaboration de six graphiques récapitulant les étapes et résultats principaux de l’analyse.

3Elle cherche ce faisant moins à établir un typologie des tours et de leurs récits qu’à les situer au sein d’un espace qui n’est donc pas conçu comme un espace géométrique ou euclidien, mais comme un espace social relationnel, dans lequel la position et le statut de chaque texte et de chaque expérience ne peut se comprendre que par rapport à ceux des autres textes et des autres expériences. Son étude fait par conséquent largement référence à des travaux de sociologues, et notamment à ceux de Pierre Bourdieu, dont elle reprend à la fois un certain nombre de concepts et l’ambition de ne pas séparer logique sociale et logique symbolique, pratiques et représentations.

4S.W. montre ainsi que cet espace des possibles de la mobilité des compagnons est caractérisé durant les deux siècles étudiés par une grande stabilité, en dépit de l’influence qu’a pu y exercer la conjoncture économique et politique (et notamment l’abolition progressive des corporations au cours du XIXe s.), stabilité qui se manifeste selon elle par la référence, même après leur abolition, aux normes et aux modèles de comportement définis par les corporations. Il n’en demeure pas moins que la diversité des expériences vécues par les compagnons et des logiques qui les sous-tendent conduit à rejeter l’image d’Épinal d’un monde corporatif misonéiste et conservateur, qui constituerait un carcan pour les individus y appartenant. Ces individus apparaissent au contraire comme des acteurs, dont la mobilité, et au-delà, la construction de l’identité constituent des processus complexes, pluriels, entre sentiment (plus ou moins fort) d’appartenance à une entité collective corporative et volonté d’affirmation d’une identité individuelle.

5Cette étude rejoint ainsi, mais par une voie originale, un certain nombre de conclusions nouvellement formulées à propos des corporations, notamment dans les travaux publiés ou inspirés par Josef Ehmer et Reinhold Reith (voir le compte rendu de l’étude d’Annemarie Steidl, BullMHFA, 41, 2005, p. 342-343), et enrichit cette révision de l’histoire du monde corporatif d’une nouvelle dimension, par la richesse et l’originalité de ses résultats et de la procédure de construction de son objet d’enquête.

6Guillaume GARNER (MHFA)

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Pour citer cet article

Référence électronique

Guillaume Garner, « WADAUER, Sigrid, Die Tour der Gesellen. Mobilität und Biographie im Handwerk vom 18. bis zum 20. Jahrhundert », Revue de l'IFHA [En ligne], Date de recension, mis en ligne le 01 janvier 2006, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/ifha/680 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ifha.680

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Auteur

Guillaume Garner

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