Navigation – Plan du site

AccueilLibrairie / RecensionsDate de recension2007DE WAARDT, Hans, SCHMIDT, Jürgen ...

2007

DE WAARDT, Hans, SCHMIDT, Jürgen Michael, MIDELFORT, H. C. Erik, LORENZ, Sönke, BAUER, Dieter R., Dämonische Besessenheit. Zur Interpretation eines kulturhistorischen Phänomens

Christophe Duhamelle
Hans DE WAARDT, Jürgen Michael SCHMIDT, H. C. Erik MIDELFORT, Sönke LORENZ, Dieter R. BAUER (dir.), Dämonische Besessenheit. Zur Interpretation eines kulturhistorischen Phänomens, Bielefeld : Verlag für Regionalgeschichte (Hexenforschung, 9), 2005, 347 p., 29 €.
Haut de page

Texte intégral

1La principale originalité de ce recueil consacré à la possession démoniaque réside dans la manière dont la diversité des dix-huit contributions (onze en allemand, sept en anglais) contribue à l’unité de la thématique. Le large éventail chronologique (du premier s. de notre ère à aujourd’hui), disciplinaire (histoire, théologie, ethnologie, psychiatrie, critique littéraire) et géographique (de l’Australie à la Norvège en passant par la Corée) ainsi que l’alternance entre articles traitant du discours sur la possession et études de cas concrets nourrissent en effet la réflexion non seulement sur le caractère construit du « diagnostic » et du traitement de la possession démoniaque, mais aussi sur ce que cette construction doit, à la fois, à un contexte culturel plus large et au contexte précis de chaque affaire de possession. La compréhension de ce qui est au cœur du volume (l’époque moderne à laquelle se consacrent douze articles) en sort enrichie. Plusieurs lectures transversales de l’ouvrage sont donc possibles ; on en sélectionnera trois.

2Les interprétations concurrentes de la possession forment un premier thème récurrent. Les théories médicales (celle des humeurs attribue à la bile noire la responsabilité de la mélancolie) et les définitions théologiques de la possession, comme plus tard le savoir psychiatrique, coexistent et interagissent, de même que se côtoient la sainteté et le démoniaque. L’article d’E. MIDELFORT offre une synthèse de ces différentes explications des phénomènes susceptibles d’appeler le diagnostic de possession et rappelle le rôle décisif joué en ce domaine, pas seulement chez les catholiques, par les critères stricts édictés dans le Rituale romanum de 1614, premier indice d’un scepticisme croissant des élites ecclésiastiques dont D. LEDERER étudie la progression en Bavière. Mais le jugement porté sur un cas de possession reste soumis à controverse en fonction des intérêts de différents groupes ecclésiastiques et des types de dévotion qu’ils promeuvent (A. WEBER sur l’alumbradismo espagnol de la fin du XVIe s., T. JOHNSON sur les débats entre jésuites à propos d’un cas bavarois en 1664, A. BURKARDT sur les procès en canonisation français du XVIIe s.). La concurrence des interprétations, recoupant parfois l’opposition entre croyance populaire et scepticisme des élites comme dans le cas des possédés de Tosos en Espagne au début du XIXe s. (M. TAUSIET), s’insère plus souvent dans une coexistence entre recours à la médecine et recours aux rites d’exorcisme, comme en Écosse jusqu’au XIXe s. (J. MILLER) – ou comme chez les 343 patients d’hôpitaux psychiatriques suisses étudiés par S. PFEIFER, dont 37% croient que leur trouble a une cause démoniaque et combinent les différents « traitements ».

3La question de la responsabilité personnelle fournit une seconde piste de lecture. Les démons s’emparent-ils du corps seul, ou de l’âme également, et la conscience peut-elle leur résister ? La victime de la possession n’est-elle pas nécessairement consentante, relevant ainsi de l’accusation de sorcellerie ? Faut-il la guérir ou la punir, et comment en outre déjouer les imposteurs qui se disent possédés pour mieux être tentateurs ? Ce thème est présent, entre autres, dans l’article de R. JEHL qui, à partir des écrits de saint Bonaventure au XIIIe s., montre que ce débat fut alors pour beaucoup dans la pénalisation du démoniaque, et dans celui de J. DILLINGER remontant à l’originalité, dans la tradition biblique, des exorcismes rapportés dans le Nouveau Testament. On le retrouve aussi dans le De praestigiis daemonum de Johann Weyer en 1563 qui mêle réflexion médicale, refus de l’exorcisme catholique, dépénalisation des possédés et recours à l’assistance spirituelle (R. KLINNERT) et dans les pièces de Ben Jonson qui présentent au début du XVIIe s. la possession comme imposture assimilable au théâtre, déjouant et validant tout à la fois le discours puritain qui identifie le spectacle et l’œuvre du démon (J.F. VAN DIJKHUIZEN). Le passionnant article de S. FERBER et A. HOWE sur un procès australien de 1993 montre enfin que l’utilisation de la croyance en la possession pour déresponsabiliser un criminel peut encore constituer aujourd’hui une stratégie juridique.

4Troisième thème enfin : l’insertion de la possession dans les logiques et les heurts de systèmes de croyance. D’une part, les conceptions du démoniaque et des façons d’y faire face prirent place très tôt dans les controverses confessionnelles de l’Europe moderne et jouèrent un grand rôle dans les imprimés de propagande des deux camps protestant et catholique, qu’il s’agisse de diaboliser le camp adverse, de le démonétiser en soulignant son incapacité à triompher des démons, ou de brider les débordements prophétiques de son propre camp (U.-M. KRAH sur les Flugschriften, J. BEYER sur le cas de Hans Vater en 1559-1562). L’article de M. WINGENS exposant l’opposition entre un bailli protestant et un exorciste catholique à la frontière religieuse des Pays-Bas en 1650 montre bien comment la possession est insérée dans un conflit confessionnel et politique. D’autre part, deux contributions permettent de mieux comprendre les spécificités de la possession en contexte chrétien en l’opposant aux traditions chamaniques, soit en Norvège en 1692 (R. HAGEN), soit dans la Corée traditionnelle où la possession forme un moyen d’exprimer et de purger les conflits en ayant recours à la médiation des ancêtres mais sans qu’un démon individualisé et agressif soit en cause, de même que la conception du moi en récuse l’indépendance et promeut l’harmonie (H.N. SEELMANN).

5Un volume envoûtant.

6Christophe DUHAMELLE (Université d’Amiens)

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Christophe Duhamelle, « DE WAARDT, Hans, SCHMIDT, Jürgen Michael, MIDELFORT, H. C. Erik, LORENZ, Sönke, BAUER, Dieter R., Dämonische Besessenheit. Zur Interpretation eines kulturhistorischen Phänomens », Revue de l'IFHA [En ligne], Date de recension, mis en ligne le 01 janvier 2007, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/ifha/504 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ifha.504

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
  • Logo IFRA – Institut franco-allemand. Sciences historiques & sociales
  • Logo Goethe Universität
  • Logo Ministère des affaires étrangères
  • Logo Fondation maison des sciences de l'homme
  • OpenEdition Journals
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search