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2010

Labouvie, Eva, Schwestern und Freundinnen. Zur Kulturgeschichte weiblicher Kommunikation

Sandie Gautier
Eva Labouvie (dir.), Schwestern und Freundinnen. Zur Kulturgeschichte weiblicher Kommunikation, Köln/ Weimar/ Wien : Böhlau, 2009, 450 p., 49,90 €.
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Texte intégral

1Ce volume, qui réunit dix-huit contributions d’une conférence tenue à Magdebourg en 2008 autour de la question des relations entre femmes, qu’elles soient « sœurs ou amies », a pour ambition d’ouvrir des perspectives nouvelles sur ce champ de recherche encore marginalisé dans les sciences humaines et sociales. La perspective adoptée est interdisciplinaire, et la périodisation très large, depuis l’Antiquité jusqu’à l’époque actuelle. À travers les concepts d’amitié et de sororité (traduction du terme allemand Schwesterlichkeit, ou le pendant féminin du sentiment de fraternité), il s’agit d’étudier ce que les relations entre femmes nous apprennent sur l’intimité, l’affection, les solidarités féminines, et les perceptions de soi à travers le regard de l’autre. Les auteurs s’intéressent aux formes de ces relations pour en comprendre les rituels, les langages et les codes ; ils questionnent la signification sociale de l’amitié et de la sororité comme clé de lecture possible pour la place et le rôle des femmes dans la famille et dans la société, en prenant en compte leur rang, leur statut et leur âge et en les situant dans un contexte précis. Les sources utilisées sont très variées, des écrits du for privé et de la production littéraire (journaux intimes, autobiographies, correspondances, récits, poèmes…) à l’iconographie (peintures, dessins, photographies), des sources épigraphiques et numismatiques de la Rome antique aux enquêtes orales, ainsi que des textes hagiographiques médiévaux.

2Malgré l’hétérogénéité intrinsèque à ce type d’ouvrage et l’absence d’une réelle problématique d’ensemble, le plan adopté est clair, scindé en deux parties, l’une consacrée aux relations entre amies, l’autre aux relations entre sœurs. La première s’ouvre sur un chapitre qui réunit une étude psychologique interrogeant les spécificités des amitiés féminines (H. Heidbrink), une étude ethnologique soulignant l’empreinte des idéaux des Lumières dans les représentations actuelles de l’amitié (M. Hansen), et une étude sociologique qui distingue un « savoir féminin » comme élément de cohésion des réseaux féminins (R. Liebold). Les deux chapitres suivants privilégient une approche historique portant sur les XVIIIe-XXe siècles et consacrée aux lieux, rituels et langages de l’amitié. Les lettres de Rahel Varnhagen et Pauline Wiesel entre 1806 et 1833 peuvent ainsi être lues comme des « médias ou lieux de l’individualisation » (P. Schmid). L’amitié féminine au sein d’un groupe plus large est aussi envisagée, par l’exemple du « groupe des muses » fondé à Weimar en 1817 (C. Häfner), et par l’étude des relations entre les scientifiques berlinoises entre 1900 et 1945 (A. Vogt). L’analyse du lien étroit entre amitié féminine et pratiques d’écriture montre que les lettres permettent aux femmes d’aborder des sujets tels que la liberté ou la féminité (J. Greyer-Kordesch), et qu’elles sont aussi un lieu d’échange artistique et esthétique, comme celles d’Anna Louisa Karsch (U. Pott). L’étude du cercle de sociabilité de la peintre et graphiste Angelika Kaufmann au tournant du XVIIIe siècle (B. Baumgärtel) clôt ce premier volet.

3La seconde partie s’attache d’abord à examiner le concept de la sororité dans ses racines les plus anciennes, à partir des sources épigraphiques de la République romaine et de l’Empire (A.-C. Harders). Ce même chapitre interroge les fonctions sociales des relations entre sœurs, qui produisent de la stabilité dans les situations de crise familiale (M. Lanzinger). Une contribution sociologique soulève la question des liens sociaux et familiaux des femmes âgées, pour lesquelles la sororité joue un rôle particulier (V. Bollmann). Le second chapitre est dédié aux sœurs issues de familles nobles. Souvent éloignées par le mariage ou l’entrée au couvent, elles ont laissé des correspondances, notamment au XVIIIe siècle (J. Prieur ; C. Doller). Plus originale, l’étude des lettres échangées par les femmes de la noblesse autrichienne aux XVIe et XVIIe siècles, qui, quel que soit leur degré de parenté, se désignaient comme des sœurs (B. Bastl). Un dernier aspect concerne la sororité non pas biologique mais choisie par les femmes qui se désignent « sœurs dans l’esprit ». La première contribution concerne les relations de l’écrivaine russe Marina Cvetaeva avec celles qu’elle nommait ses « frères féminins » (G. Goes). Le concept de sororité est ensuite interrogé pour l’époque médiévale, où il fait sens pour les relations entre nonnes du VIe au XIe siècle (K. Bodarwé). Le chapitre s’achève par une étude sur les infirmières de l’école Oskar-Helene-Heim à Berlin en 1907 et la construction discursive et visuelle de la sororité non biologique (E. Brinksulte). Les photographies étudiées sont reproduites dans le volume, qui comprend par ailleurs un grand nombre d’illustrations éclairant et complétant les études, ainsi qu’une bibliographie détaillée.

4Si l’on peut regretter que les notions d’amitié et de sororité soient peu interrogées en tant que processus historiquement construits – l’évolution des représentations de l’amitié à partir du XVIIIe siècle expliquant sans doute la nette domination des contributions portant sur les XVIIIe et XIXe siècles dans ce recueil – celui-ci atteint néanmoins son but, chaque contribution ouvrant des perspectives de recherche stimulantes, tant par leurs objets d’étude que par leurs approches et leurs méthodes différentes.

5Sandie Gautier (Université Lyon II)

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Pour citer cet article

Référence électronique

Sandie Gautier, « Labouvie, Eva, Schwestern und Freundinnen. Zur Kulturgeschichte weiblicher Kommunikation », Revue de l'IFHA [En ligne], Date de recension, mis en ligne le 01 janvier 2010, consulté le 18 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/ifha/2205 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ifha.2205

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