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2010

Kaufmann, Pius, Gesellschaft im Bad. Die Entwicklung der Badefahrten und der « Naturbäder » im Gebiet der Schweiz und im angrenzenden südwestdeutschen Raum (1300-1610)

Danielle Bohler
Pius Kaufmann, Gesellschaft im Bad. Die Entwicklung der Badefahrten und der « Naturbäder » im Gebiet der Schweiz und im angrenzenden südwestdeutschen Raum (1300-1610), Zürich : Chronos, 2009, 458 p., 37,50 €.
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Texte intégral

1Issu d’une thèse soutenue à l’Université de Zürich, l’ouvrage s’attache à l’importance des cures thermales pour les sociétés suisses et celles des régions voisines du sud-ouest de langue allemande, dans une fourchette chronologique allant du début du XIVe siècle au tout début du XVIIe siècle. Cette focalisation spatiale, clairement mise en évidence, permet une exploration détaillée des pratiques sociales témoignant du succès des cures thermales et des régulations qui en assurent le bon déroulement. En effet, le corps en quête de soulagement sollicite les savoirs médicaux, et il engage très largement les instances concernées par la mise en valeur des sources thermales. Il convenait dès lors d’observer leurs enjeux institutionnels et économiques.

2L’auteur expose les interrogations qui l’ont guidé pour cette recherche considérable, comportant un grand ensemble de cas concrets, étayés par de précieuses annexes : des textes latins avec traductions, détaillant les statuts des chapitres de cathédrale et des collégiales pour les autorisations de cures. À cette fin ont été exploitées de nombreuses sources inédites, des archives d’évêchés, de monastères, de diocèses et de cantons. Les sources éditées ainsi que les travaux portant sur les thérapies balnéaires font l’objet d’une bibliographie soignée, élargie par des incitations à des lectures thématiques plus amples.

3Reconnue comme objet de science dans la seconde moitié du XIXe siècle, grâce aux publications médicales sur le bienfait des cures thermales, la balnéothérapie à ses débuts intéressera d’évidence le lecteur d’aujourd’hui, rompu aux multiples aspects du bien-être corporel. Loin d’être un simple secteur au sein des pratiques médicales, elle se révèle d’un grand prix pour l’histoire des régions où se multiplient les établissements balnéaires. En témoignent les règles diversifiées concernant les chapitres de cathédrales et de collégiales. Les autorisations de cures sont soumises à des conditions qui rendent licite le voyage : au début du XIVe siècle des collégiales commencent à accorder des congés pour prendre les eaux, et des statuts très précis concernent les chanoines des divers chapitres, non sans d’éventuelles tensions entre les besoins de l’individu et l’intérêt général de l’institution. Le futur curiste par exemple est autorisé au départ, selon la durée de résidence dans la collégiale et sa participation aux services religieux. Ces contraintes semblent avoir moins pesé sur les monastères : l’usage des bains faisant partie des soins dus aux malades, le souci des soins de l’âme pouvait être pondéré par celui des soins corporels.

4Ainsi les cures thermales apparaissent-elles comme point de convergence de questions largement liées à l’histoire sociale. Car il s’agit aussi des modes d’exercice du pouvoir, qui fournissent à l’étude des formes de domination un éclairage important. La balnéothérapie convoque les intérêts des souverainetés territoriales, en particulier pour la mise en valeur des sources et l’activité de ceux qui les exploitent. L’auteur confirme ainsi la nécessité, pour sa recherche, d’un croisement de plusieurs disciplines : savoir médical, histoire sociale et enjeux de pouvoir.

5Une fois située dans son contexte historique, la thérapie balnéaire concerne la réalité vécue, les façons de concrétiser l’entreprise et les nombreux problèmes du quotidien. La durée même de la cure est soumise à des ordonnances et à des normes. Les médecins, en témoins expérimentés de l’efficacité des sources, assument leur rôle de conseillers et diffusent leurs prescriptions balnéaires.

6Les séjours aux bains ont pu clairement être mis au service d’un exercice du pouvoir. Riche de convivialité, l’espace balnéaire permettait la création de réseaux particulièrement liés aux séjours des curistes. Lieux de rencontre, les bains apparaissent comme un forum propice aux communications et à l’établissement de relations, confortées à cette occasion par des cadeaux. Évidemment, les conditions sociales modèlent l’usage de la balnéothérapie. À commencer pour les plus démunis qui ne peuvent assumer les frais de leur voyage : interviennent alors des aides de bienfaisance, susceptibles d’adapter les modalités de financement. Car le transport des malades ou d’invalides peu aptes au déplacement concerne l’hébergement et les soins, pendant le trajet et durant le séjour. Quant aux curistes accoutumés à un certain niveau de vie, leur comportement en tant que consommateurs devait être satisfait, avec une nécessaire souplesse d’adaptation à des infrastructures locales parfois encore précaires. La constitution de « sociétés balnéaires» (Badegesellschaft) garantissait le respect de certaines règles, pour les frais de voyage par exemple, et ces sociétés ont sans doute favorisé la collecte des observations sur le pouvoir curatif des eaux.

7Enfin le dynamisme économique de ces pratiques concerne la rentabilité des établissements, ce qui engage des acteurs multiples, des propriétaires aux exploitants des sources. Le pouvoir territorial intervient pour arbitrer, fût-ce sur le prix du vin. Il s’agit également de gérer le flux de curistes, car la paix du lieu et la sécurité des pratiques religieuses sont essentielles à la réputation d’une source thermale.

8Par la diversité sociale des curistes, par les multiples dispositions pratiques permettant l’accès aux sources, ces sociétés allant « prendre les eaux », ces quêtes de guérison et de bienfait corporel analysées dans cet ouvrage solidement argumenté confirment, à la suite de de Jacques Le Goff, que le corps a bien une histoire ! Une histoire qui relate l’amont de lieux fréquentés en Suisse et dans la région rhénane. Au-delà des considérations anthropologiques souvent trop floues, qui envisagent les sources thermales hors de leur contexte historique, l’ouvrage de P.K. fait émerger le poids social des pratiques médicales. Ce qui inclut bien évidemment l’intérêt ethnographique des élaborations de cultes et de croyances aux vertus miraculeuses des eaux.

9Danielle Bohler (Université Michel-de-Montaigne Bordeaux 3)

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Pour citer cet article

Référence électronique

Danielle Bohler, « Kaufmann, Pius, Gesellschaft im Bad. Die Entwicklung der Badefahrten und der « Naturbäder » im Gebiet der Schweiz und im angrenzenden südwestdeutschen Raum (1300-1610) », Revue de l'IFHA [En ligne], Date de recension, mis en ligne le 01 janvier 2010, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/ifha/2119 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ifha.2119

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