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2008

Kreutzmann, Marko, Zwischen ständischer und bürgerlicher Lebenswelt. Adel in Sachsen-Weimar-Eisenach 1770 bis 1830

Bertrand Goujon
Marko Kreutzmann, Zwischen ständischer und bürgerlicher Lebenswelt. Adel in Sachsen-Weimar-Eisenach 1770 bis 1830, Köln/ Weimar/ Wien: Böhlau (Veröffentlichungen der Historischen Kommission für Thüringen. Kleine Reihe, 23), 2008, 502 p., 89 €.
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Texte intégral

1Issu d’une thèse de doctorat soutenue à l’Université d’Iéna en 2007, ce livre s’inscrit dans le dynamique chantier de l’Adelsgeschichte allemande. En se penchant sur la période charnière qui va du dernier tiers du XVIIIe s. au premier tiers du XIXe s., il pose la question – ancienne, mais cruciale – des modalités selon lesquelles s’opère la transition d’une société d’ordres vers un ordre bourgeois.

2L’ouvrage s’intéresse à une configuration originale et sous-représentée jusqu’à présent dans l’historiographie des noblesses allemandes, en dépit de la multiplication des monographies régionales. Le grand-duché thuringien de Saxe-Weimar-Eisenach constitue en effet un exemple remarquable de Kleinstaat dont l’organisation politique et sociale au cours du long XIXe  s. diffère sensiblement de celle des grands États allemands de l’époque. De surcroît, il constitue un exceptionnel foyer culturel et artistique, une « cour des Muses » qui s’enorgueillit de la présence des grands maîtres du classicisme allemand. Enfin, il s’agit d’un État qui s’engage précocement sur la voie du libéralisme, en se dotant d’une Constitution dès 1816 et d’une législation très favorable à la liberté de la presse à l’échelle de la Confédération germanique. On a bien là une situation spécifique, tant les défis auxquels la noblesse régionale se trouve confrontée y apparaissent précoces et vastes.

3Une autre originalité réside dans la mobilisation du concept de Lebenswelt pour saisir les motivations et les enjeux des stratégies individuelles et familiales. Les valeurs qui structurent le rapport au monde, les pratiques sociales et les représentations sont au cœur d’une réflexion qui dépasse largement le constat de l’embourgeoisement nobiliaire pour montrer la persistance autant que la flexibilité de traits socioculturels spécifiques aux élites nobles.

4La méthode adoptée contribue enfin à l’intérêt de l’ouvrage. À partir d’archives privées, l’auteur élabore une double monographie familiale croisée, qui lui permet de mener une analyse fine et d’engager une démarche comparée – même si l’on peut regretter qu’un tel choix revienne à ne pas assumer « l’exceptionnel normal » que représente l’étude d’un cas familial sans pour autant répondre à une exigence scientifique de représentativité. Les exemples retenus sont ceux des familles von Ziegesar (d’ancienne noblesse féodale) et von Fritsch (anoblie en 1730). Offrant des configurations contrastées, mais unis par des liens matrimoniaux, ces deux lignages ont fourni des personnalités de premier ordre au grand-duché de Saxe-Weimar en les personnes de Frédéric-Charles von Ziegesar (1746-1813), Geheim Rat et chancelier, Jakob Friedrich von Fritsch (1731-1814), membre du Geheime Consilium, Anton von Ziegesar (1783-1843), curateur de l’Université d’Iéna, et Carl Wilhelm von Fritsch (1769-1851), ministre d’État et actif diplomate. L’auteur ne limite pourtant pas son étude à ces figures saillantes, et son corpus n’embrasse pas moins de 118 individus sur quatre générations.

5Doté d’un index nominatif, de tableaux généalogiques et d’éléments statistiques concernant les propriétés foncières, l’ouvrage est construit selon un plan thématique. M.K. aborde d’abord les aspects relevant de l’éducation et de la culture, avant de se pencher sur la sociabilité nobiliaire : les passages sur la franc-maçonnerie, les sociétés savantes et les cercles sont particulièrement novateurs, qui révèlent la participation active, quoique minoritaire et souvent honorifique de la noblesse à ces institutions de la vie bourgeoise qui permettent un rapprochement entre les diverses élites. Tout en montrant que le processus n’est pas linéaire (le grand-duc Carl Friedrich se montrant plus conservateur que son père Carl August), l’auteur souligne ensuite la fluidification de l’accès à la cour et à l’administration du grand-duché de Saxe-Weimar pour les roturiers, avec la liquidation des privilèges dont jouissait la noblesse jusqu’à la fin du XVIIIe s. – les derniers bastions nobiliaires restant les hautes fonctions militaires et diplomatiques. Il constate également la divergence des stratégies économiques des familles von Ziegesar et von Fritsch en matière de mise en valeur patrimoniale, de transmission intergénérationnelle des biens et d’endettement à travers l’étude de leurs Rittergüter de Drackendorf et de Seerhausen. Enfin, l’étude se clôt sur les aspects politiques : l’accent est mis sur la capacité des nobles à conserver d’importantes fonctions publiques en tirant profit de la transition entre les Stände et un système représentatif de type parlementaire, en soutenant la politique réformatrice engagée après 1806 – sans pour autant se rallier aux idées libérales – et en intégrant la notion de nation après le démantèlement du Saint-Empire. À défaut de saturer ses représentations, ses ambitions et ses carrières (qui se jouent, au moins en partie, dans les États voisins), le cadre du Kleinstaat a ainsi permis à la noblesse de Saxe-Weimar de s’acclimater progressivement et en douceur aux profondes mutations que connaît l’Allemagne de 1770 à 1830.

6Bertrand Goujon (Université de Reims – Champagne-Ardenne)

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Pour citer cet article

Référence électronique

Bertrand Goujon, « Kreutzmann, Marko, Zwischen ständischer und bürgerlicher Lebenswelt. Adel in Sachsen-Weimar-Eisenach 1770 bis 1830 », Revue de l'IFHA [En ligne], Date de recension, mis en ligne le 01 janvier 2008, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/ifha/1599 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ifha.1599

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