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2008

Casale, Rita, Tröhler, Daniel, Oelkers, Jürgen, Methoden und Kontexte. Historiographische Probleme der Bildungsforschung

Jean-Luc Le Cam
Rita Casale, Daniel Tröhler, Jürgen Oelkers (dir.), Methoden und Kontexte. Historiographische Probleme der Bildungsforschung, Göttingen : Wallstein, 2006, 392 p., 38 €.
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Texte intégral

1Ce livre collectif, issu d’un colloque organisé par le département de pédagogie de l’Université de Zurich et l’Institut Pestalozzianum pour la recherche en histoire de l’éducation, cherche à confronter les pratiques de l’histoire de l’éducation aux impulsions données par les débats méthodologiques et épistémologiques qui ont animé le champ de l’historiographie générale ces trente dernières années. L’introduction rappelle la vigueur accrue de la recherche dans ce champ disciplinaire, son succès éditorial mais aussi les débats et les controverses qui l’agitent à propos des fondements et des buts de l’histoire de l’éducation. D’un côté, les partisans d’une recherche orientée en fonction des besoins de la formation des maîtres, qu’il s’agisse de pédagogues, qui suivent là une tradition ancienne en Allemagne, ou d’historiens qui conçoivent cette formation comme devant s’enraciner dans une histoire nationale et donc aussi dans une histoire nationale de l’éducation. De l’autre côté, ceux qui considèrent que l’histoire de l’éducation est une histoire comme les autres et qu’elle doit être moins « pédagogique » que scientifique et donc se fonder sur les méthodes des historiens. La commémoration de Pestalozzi en 1996 a donné lieu ainsi à un débat sur la pertinence de l’héroïsation des grands pédagogues, de même que la pédagogie sociale a été agitée de controverses semblables à propos de l’utilité des « Classiques ». En 1999 Jürgen Herbst initiait un débat du même type par sa réflexion sur l’état de l’art en histoire de l’éducation. Il estimait que celle-ci, en se séparant (aux États-Unis mais aussi en Europe) de la formation des maîtres, avait certes connu un nouvel engouement mais en avait payé le prix en trouvant ses limites au bout de trente ans faute de nouvelles impulsions venant du monde de la pédagogie. Après avoir présenté brièvement ces débats, le livre réunit les contributions autour de trois parties ou thèmes.

2Le première s’efforce de retracer certains trends historiographiques de ces dernières décennies. J. Revel historicise le concept souvent mal compris de « mentalités » en reconstruisant son contexte complexe à la fois sur le plan de l’évolution épistémologique et de l’histoire politique. R. Roger et C. Opitz remettent en cause, depuis leur point de vue d’historiennes du genre, des concepts de périodisation comme celui d’Aufklärung ou des procédés méthodologiques qui conduisent à la stylisation de Classiques. H.E. Bödeker présente l’histoire conceptuelle (Begriffsgeschichte), comprise comme histoire de l’emploi des concepts, située entre histoire évènementielle et histoire des idées. P. Sarasin interprète l’œuvre de Michel Foucault comme une analyse de la position du sujet dans le cadre de structures de pouvoir au rebours de sa réception dominante comme analyse du discours. S. Sturman indique le potentiel d’innovation de l’histoire de la pensée à partir de l’exemple du relativisme culturel et moral chez Hérodote et Diderot.

3La deuxième partie réunit les exposés de spécialistes d’histoire de l’éducation sur différents modèles ou tendances de leur discipline. F. Osterwalder, à partir de l’exemple du jansénisme et sur la base de la distinction saussurienne entre parole et langage, reconstruit la médiation difficile de deux langues dominantes, qui imprimèrent leur marque sur l’histoire de l’éducation européenne. Dans la même veine, D. Tröhler montre à propos de la réception du pragmatisme que la circulation internationale des idées dépend des différentes langues de telle sorte qu’il faut plutôt s’appliquer à une histoire de la réception qu’à celle de l’effet de celles-ci. R.  Horlacher illustre, à partir du concept d’éducation/formation, comment des concepts transnationaux sont transformés lors de leur réception nationale pour être réduits à peu de chose ou au contraire considérablement élargis. T.S. Popkewitz explore la fortune dans l’éducation de l’idée éclairée de cosmopolitisme tandis que M. Depaepe parcourt les changements de paradigme de l’histoire de l’éducation pour en relever les paradoxes et les limites.

4La troisième et dernière partie présente à partir de quelques cas concrets ou de case studies certains problèmes de l’historiographie de l’éducation. J.  Oelkers le fait à partir des débats qui ont entouré le projet jamais réalisé en Allemagne d’école unique (Einheitsschule) et de leur traduction historiographique ; R. Casale à partir du cas de l’enseignement et de l’écriture de l’histoire de l’Europe ; P. Gonon reprend l’œuvre de Pestalozzi en l’éclairant du concept de gouvernementalité chez Foucault pour interroger la fertilité de ce concept pour l’histoire de la pédagogie. M. Sophia Baader fait une comparaison de la réception et de l’interprétation différenciée de « personnages cultes » de la pédagogie tel Fröbel en Allemagne et aux Etats-Unis de 1875 à 1933. B. Rang met en lumière la persistance de la rhétorique dans l’histoire de l’éducation et des sciences en analysant les débats et interprétations autour des Entretiens sur la pluralité des mondes habités de Fontenelle.

5La haute qualité intellectuelle des communications de ce recueil en fait un livre stimulant pour la réflexion sur l’état de l’art et donc tout à fait recommandable à la lecture. On peut peut-être regretter deux choses : d’une part l’absence de traitement dans le corps du livre du très intéressant débat exposé en introduction ; d’autre part une surreprésentation de l’historiographie issue de la tradition, certes renouvelée, de la pédagogie historique, qui laisse de côté toute une histoire de l’éducation, sociale et culturelle, orientée vers les pratiques, qui est pourtant désormais aussi passée dans la sphère germanophone. D’une certaine façon, ce colloque illustre bien par ses choix un des thèmes souvent traité par les communicants, celui de la difficile importation des conceptions historiographiques d’une langue à l’autre.

6Jean-Luc Le Cam (Université de Brest)

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Pour citer cet article

Référence électronique

Jean-Luc Le Cam, « Casale, Rita, Tröhler, Daniel, Oelkers, Jürgen, Methoden und Kontexte. Historiographische Probleme der Bildungsforschung », Revue de l'IFHA [En ligne], Date de recension, mis en ligne le 01 janvier 2008, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/ifha/1586 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ifha.1586

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