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1998

RHEIN, Reglinde, Die Legenda Aurea des Jacobus de Voragine. Die Entfaltung von Heiligkeit in »Historia« und »Doctrina«

Joseph Morsel
Bernd-Ulrich HERGEMÖLLER, Krötenkuß und schwarzer Kater. Ketzerei, Götzendienst und Unzucht in der inquisitorischen Phantasie des 13. Jahrhunderts, Warendorf: Fahlbusch, 1996, 456 p., 95 DM.
Jürgen PETERSOHN (dir.), Politik und Heiligenverehrung im Hochmittelater, Sigmaringen: Thorbecke (Vorträge und Forschungen, 42), 1994, 652 p., 196 DM.
Reglinde RHEIN, Die Legenda Aurea des Jacobus de Voragine. Die Entfaltung von Heiligkeit in »Historia« und »Doctrina«, Köln/Weimar/Wien: Böhlau (Beihefte zum Archiv für Kulturgeschichte, 40), 1995, 308 p., 78 DM.
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Texte intégral

1En juin 1233, la série des lettres Vox in Rama émises par Grégoire IX enjoint certains ecclésiastiques (parmi lesquels le sinistre Conrad de Marbourg) et l’Empereur de mener une croisade contre des hérétiques ayant coutume d’embrasser le derrière de trois envoyés de l’Enfer, un crapaud enflé, un squelette et un matou (Kater) noir, puis de se livrer à des rapports sexuels à l’encontre de toutes les normes: incestueux et homosexuels… Rejetant les oppositions courantes entre représentation et réalité, forme et fond, discours et récit, B.-U.H. entreprend de restituer à la présentation détaillée de cette hérésie dans le texte pontifical (dont il fournit la lettre) ses contexte, intertexte et logique textuelle. L’important n’étant pas que les comportements décrits aient ou non existé mais que l’on (qui?) y ait cru, en ces temps qui voient les premiers pas de l’Inquisition, B.-U.H. rapproche ce texte d’autres textes contemporains (notamment l’interrogatoire v. 1230 d’un membre d’une secte hérétique dite des Kateri - que l’on a pris l’habitude d’identifier comme des »cathares« bien que le contenu de l’interrogatoire ne permette pas de conclure à une telle identité), en décortique les sources scripturaires, apocryphes, théologiques, scientifiques. Le thème de la sodomie (soigneusement étudié par B.-U.H. en une deuxième partie) reçoit en particulier de nombreux développements à l’époque, chez Alain de Lille, Césaire de Heisterbach, Guillaume d’Auvergne, etc. L’assimilation entre hérésie et homosexualité observée par Monique Zerner à travers l’apparition tout à fait contemporaine en France de la désignation des cathares comme »bougres« (Cahiers de Civilisation Médiéval, 32, 1989) n’étant toutefois pas relevée (et apparemment pas connue). Cette thématique débouche sur une troisième partie consacrée aux diverses accusations portées par »les Français« au début du XIIIe s. contre les Templiers, nourries de constructions issues du milieu capétien (dont le but était la transformation du Temple en une institution hérétique en tant que telle) et de réminiscences collectives mobilisées dans les aveux arrachés aux Templiers. L’ouvrage s’achève sur l’évocation de cas ultérieurs d’assimilation entre hérésie et »dépravation« aux XIVe et XVe ss. et sur le problème théorique de l’attribution (Zuschreibung) des qualités sociales, c’est-à-dire en fin de compte de la construction des catégories sociales. Ce dernier aspect reste toutefois un peu rapide et n’accorde par exemple aucune attention au problème de l’usage de l’écrit, ce à quoi l’article de James Given sur la »fabrication« du type de l’hérétique par les inquisiteurs du Languedoc (The American Historical Review, 94/2, 1989, non cité par B.-U.H.) devrait inciter. Il s’agit toutefois d’une contribution remarquable à l’histoire des représentations de l’hérésie à la fin du Moyen Age.

2Comment le culte des saints a-t-il pu contribuer, au Moyen Age central, à la réalisation d’objectifs »politiques« comme l’affirmation de pouvoirs monarchiques (y compris pontificaux), princiers ou dynastiques et/ou faciliter l’intégration des individus dans des communautés »politiques« telles que royaumes, principautés ou villes? Telle était la préoccupation des rencontres organisées en 1990-91 par le »Cercle de travail de Constance pour l’histoire médiévale« dont J.P. publie les actes. Mises à part deux présentations générales (l’une théologique, l’autre juridique) du culte des saints et deux études consacrées l’une à la politique pontificale de canonisation aux XIe-XIIIe ss. et l’autre aux cultes de saints impulsés par les Staufen (notamment à Aix, Wurtzbourg, Cologne, Bamberg, Marbourg), l’approche est menée de manière principalement locale. Sont ainsi passés en revue la France (non seulement les Capétiens avec saint Denis, mais les grandes principautés avec leurs saints particuliers), l’Espagne, la Hesse, la Scandinavie, la Pologne, la Bohême, la Hongrie, la Russie, Byzance, les Balkans, Venise, les communes italiennes (l’Empire lui-même ayant été traité, outre la Hesse et la Bohême, avec le cas des Staufen, mis à part en tant que »puissance universelle«). L’intérêt du volume repose moins dans la constatation de l’existence d’un lien, finalement connu, à défaut d’être vraiment analysé, entre des processus de structuration sociale et le développement sélectif de cultes de saints, que dans la présentation de cas de détail et, surtout, dans la juxtaposition de ceux-ci, qui permet une première mesure de l’extension spatiale et de la concomitance du phénomène. L’instrumentalisation de la religion à des fins politiques est un schéma d’interprétation connu et discuté (mais pour des raisons souvent peu scientifiques) parmi les médiévistes, mais tant que les catégories »religion« et »politique« ne seront pas reconsidérées quant à leur pertinence pour la société médiévale, on ne pourra guère retrouver au bout du compte que ce que l’on aura mis à l’origine de l’étude (J.P. estime ainsi possible de »caractériser des cultes de saints comme politiques à partir du moment où et pour autant qu’ils servaient à des buts politiques, furent mis en forme par des impulsions politiques et furent porteurs de représentations politiques«, ce qui montre bien la prolifération et la »naturalisation« du »politique« à partir de son introduction préréflexive dans le discours historique).

3La Légende dorée de Jacques de Voragine constitue, on le sait, l’ouvrage le plus diffusé au Moyen Age après la Bible. De nombreuses études récentes ont tenté de »déconstruire« l’œuvre sous des angles variés (structure narrative, sources et emprunts, comparaison avec d’autres œuvres du même auteur). R.R. définit inversement son intention comme une approche globale de la Légende dorée, en tant qu’œuvre conçue comme un tout (une histoire de l’Église conçue non pas comme une institution mais comme la réalisation terrestre du logos divin) et appréhendée en tant que telle par le public médiéval. Il s’agit en fin de compte de comprendre ce que le public a pu y lire qu’il ne trouvait pas ailleurs, y compris dans les légendaires des coreligionnaires de Jacques de Voragine, et qui ne peut guère correspondre qu’à une dimension globale de l’œuvre (puisque son succès a été universel) et non à tel ou tel aspect de sa démarche. Après une présentation classique de l’auteur et de l’œuvre, R.R. procède à une étude typologique de la Légende dorée en fonction des quatre types de saints et donc des quatre genres de légende hagiographique définis par l’auteur lui-même (et qui composent ensemble l’histoire de l’Église): l’apôtre, le martyr, l’évêque et le moine, qui aboutissent à une nouvelle catégorie, celle du Mendiant. Les différentes phases de l’histoire de l’Église sont présentées à travers cette succession de types de saints, porteurs les uns après (et avec) les autres du salut de l’humanité. C’est dans cette promesse de salut clairement structurée, promesse grâce au peuple des saints qui forment effectivement l’Église et dont les Ordres Mendiants réalisent l’aboutissement, que résiderait le succès de la Légende dorée: il ne s’agit pas d’une simple compilation de vies de saints - ce que sont les autres légendiers - mais d’un ordonnancement rétrospectivement signifiant - et perspectivement réconfortant - du matériau hagiographique. Jacques de Voragine est donc bien l’auteur de la Légende doré.

4Joseph MORSEL

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Pour citer cet article

Référence électronique

Joseph Morsel, « RHEIN, Reglinde, Die Legenda Aurea des Jacobus de Voragine. Die Entfaltung von Heiligkeit in »Historia« und »Doctrina« », Revue de l'IFHA [En ligne], Date de recension, mis en ligne le 01 janvier 1998, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/ifha/1452 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ifha.1452

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