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2000

SANDL, Marcus, Ökonomie des Raumes. Der kameralwissenschaftliche Entwurf der Staatswirtschaft im 18. Jahrhundert

Guillaume Garner
Marcus SANDL, Ökonomie des Raumes. Der kameralwissenschaftliche Entwurf der Staatswirtschaft im 18. Jahrhundert, Köln/Weimar/Wien : Böhlau (Norm und Struktur, 11), 1999, X et 518 p., 109 DM.
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Texte intégral

1Ignorées de l’historiographie française, les sciences camérales constituent pour les historiens allemands depuis la fin du XIXe s., et notamment les travaux de Gustav Schmoller, un champ d’investigation privilégié. Regroupant l’économie (définie comme science de la gestion et de la production domestiques), la police (au sens large du terme, c’est-à-dire comme science de l’administration) et les finances, elles se développent après la Guerre de Trente Ans et connaissent un essor notable au XVIIIe s., facilité par la création à partir de 1727 de chaires universitaires de sciences camérales, d’abord en Prusse, puis dans de nombreux territoires de l’Empire. L’objectif de cette discipline est essentiellement utilitaire, puisqu’il s’agit de former les administrateurs de ces territoires, chargés de mener à bien leur redressement économique et démographique après les dégâts occasionnés par la Guerre de Trente Ans. Du point de vue des conceptions économiques et politiques, elles reprennent les postulats du mercantilisme et de l’absolutisme éclairé, même si des divergences notables existent entre les caméralistes.

2L’étude de M.S., issue d’une thèse de doctorat soutenue en 1997, vise à apporter une contribution à l’histoire de la pensée économique et politique de l’Allemagne durant la seconde moitié du XVIIIe s. Son originalité et son intérêt résident dans l’application aux traités de sciences camérales écrits entre 1750 et 1800 d’une problématique qui s’inspire largement de l’œuvre de Michel Foucault. Il s’agit donc d’étudier d’une part les conditions de possibilité du discours caméral, l’épistémè qui lui est sous-jacente. D’autre part, l’auteur se donne pour objectif d’analyser les modalités de perception et de constitution d’une réalité précise, ce qui le conduit à prendre en compte la situation historique concrète (celle de l’Allemagne dans la seconde moitié du XVIIIe s.) dans laquelle s’enracinent les sciences camérales. Il emprunte pour ce faire de nombreux concepts à des courants sociologiques tels que le structuralisme (Serge Moscovici), la théorie des systèmes (Niklas Luhmann), la théorie de la structuration (Anthony Giddens), ainsi qu’à l’anthropologie de Maurice Godelier.

3L’auteur justifie les bornes chronologiques choisies en soulignant que le contenu des sciences camérales est systématisé à partir des années 1750 par Justi : celui-ci définit un canon, comprenant la trilogie économie-police-finance, qui sera largement suivi par les autres caméralistes ; la date (approximative) de 1800 correspond à la période de remise en cause des sciences camérales, qui débute avec la réception en Allemagne des événements révolutionnaires de 1789. Les sciences camérales à leur apogée constituent donc le cœur de l’ouvrage, même s’il faut noter que cette périodisation se démarque de celle adoptée habituellement par les historiens du caméralisme qui étudient en général le déclin, et la disparition des sciences camérales du paysage universitaire allemand jusque dans les années 1820-1840.

4L’ouvrage comprend deux parties, la première consacrée à la perception et la constitution discursive d’une réalité historique précise (le retard économique des territoires allemands vers 1750), la seconde traitant des conditions de possibilité et de l’organisation du savoir élaboré par les sciences camérales. Il ne saurait être question ici de présenter de manière exhaustive les résultats d’un ouvrage extrêmement riche en analyses nouvelles, et dont la lecture s’avère incontestablement stimulante. On se bornera donc à en souligner quelques-unes des conclusions principales.

5L’auteur souligne dans la première partie que l’État, qui est au centre du discours des caméralistes, est essentiellement perçu et analysé dans sa dimension spatiale : les propositions de politique économique formulées par les caméralistes visent à structurer économiquement des territoires perçus à travers l’opposition villes-campagnes, le rôle de l’État (notamment de la police) étant de coordonner les activités économiques de ces espaces ruraux et urbains. La même préoccupation guide selon M.S. le courant physiocratique allemand, raison pour laquelle l’opposition entre physiocratie et mercantilisme est à relativiser.

6Dans la seconde partie, l’auteur souligne que les sciences camérales élaborent un discours qui est essentiellement de nature économique, alors que l’historiographie allemande avait tendance depuis les années 1960 à étudier les sciences camérales sous l’angle de l’histoire des idées politiques. Même si économie et politique ne constituent pas encore au XVIIIe s. deux domaines pleinement autonomes, la finalité du discours caméral est, selon M.S., de permettre l’enrichissement des territoires par un ensemble de mesures visant à accroître les richesses en intensifiant leur circulation entre les divers espaces économiques relevant de ces territoires.

7Le dernier chapitre de la seconde partie est consacré au déclin des sciences camérales. Celui-ci s’explique certes par la réception du libéralisme économique anglais (la Richesse des Nations d’Adam Smith, mais aussi et surtout par le changement d’épistémè (la fin de la « pensée classique ») étudié par Michel Foucault. Affirmant que la naissance du libéralisme économique est inséparable de ce changement d’épistémologie, M.S. s’attache à réhabiliter le rôle que la philosophie kantienne y a joué, en étudiant les répercussions du kantisme dans le domaine de la pensée économique. Ce changement s’explique aussi par la réflexion entamée en Allemagne à propos de la Révolution française de 1789, réflexion qui conduit à donner au temps une dimension nouvelle, ce dernier aspect ayant été souligné par l’historiographie allemande à la suite des travaux de Reinhart Koselleck.

8Même si certaines des thèses défendues par l’auteur sont sujettes à débat, le mérite de cet ouvrage n’en est pas moins grand de proposer une grille de lecture permettant de renouveler nos connaissances sur les sciences camérales, dont certains aspects restent à étudier.

9Guillaume GARNER

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Pour citer cet article

Référence électronique

Guillaume Garner, « SANDL, Marcus, Ökonomie des Raumes. Der kameralwissenschaftliche Entwurf der Staatswirtschaft im 18. Jahrhundert », Revue de l'IFHA [En ligne], Date de recension, mis en ligne le 01 janvier 2000, consulté le 19 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/ifha/1335 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ifha.1335

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Guillaume Garner

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