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2000

LIND, Vera, Selbstmord in der Frühen Neuzeit. Diskurs, Lebenswelt und kultureller Wandel am Beispiel der Herzogtümer Schleswig und Holstein

Christophe Duhamelle
Vera LIND, Selbstmord in der Frühen Neuzeit. Diskurs, Lebenswelt und kultureller Wandel am Beispiel der Herzogtümer Schleswig und Holstein, Göttingen : Vandenhoeck & Ruprecht (Veröffentlichungen des Max-Planck-Instituts für Geschichte, 146), 1999, 518 p., 108 DM.
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Texte intégral

1Le mérite de cet ouvrage est double. D’une part, V.L. enrichit notre connaissance du suicide à l’époque moderne en fondant son étude sur 303 cas (dont 120 documentés) de suicides (ou de tentatives) dans les duchés de Schleswig et de Holstein entre 1600 et 1820. Il s’agit d’hommes avant tout (69%), généralement jeunes, qui se recrutent prioritairement parmi les petits artisans et les domestiques, les paysans, eux, semblant plus épargnés. La moitié d’entre eux sont mariés. Les femmes préfèrent la noyade ou la tentative de noyade (52% d’entre elles, contre 26% des hommes) ; les hommes se pendent (37,5%, contre 20% des femmes). Cette manière d’inventaire du suicide trouverait très vite ses limites (V.L. elle-même reconnaît que la question des causes du suicide se heurte très vite à l’inconnaissable) si la richesse des sources judiciaires utilisées ne permettait d’atteindre, à travers le suicide, à une histoire du corps et de la mort. Ainsi, ceux qui tentent de se suicider construisent d’eux-mêmes et de leur douleur une image qui a de moins en moins recours au démon et rejoint plutôt une analyse médicale, mais qui, toujours, extériorise les raisons de leur acte et évite l’impensable de leur propre désir de mort. En outre, le suicide reste tributaire de la « bonne mort », celle qui se prépare en communauté : et tous de mettre en scène leur acte et de multiplier les signes annonciateurs que l’entourage, désorienté ou horrifié (le tabou portant sur le cadavre du suicidé ne disparaît que lentement), ne parvient pas à saisir. C’est à une véritable histoire de la souffrance comme construction sociale que nous invitent les meilleures pages de V.L.

2Le second mérite de ce livre est d’apporter une contribution à l’histoire des Lumières en confrontant une macro-analyse et une micro-analyse du discours sur le suicide. L’ouvrage s’ouvre sur une présentation du « discours général » : condamné par les Églises, réprimé par le prince (alors que la Carolina de 1532, loi d’Empire, ne prévoyait une confiscation des biens du suicidé que dans le cas où celui-ci aurait accompli son acte pour échapper à une condamnation judiciaire, les législations territoriales ont fortement aggravé ces dispositions), le suicide soulève d’abord la question de sa répression pénale et de sa réprobation ecclésiastique. C’est pourquoi les juristes et les théologiens en ont d’abord discuté, avant que les médecins et les théoriciens des Lumières (Français et Anglais en tête) n’apportent des arguments contradictoires et que la littérature (Les souffrances du jeune Werther, de Goethe, paraît de façon anonyme en 1774) ne porte véritablement sur la place publique un débat qui, entre liberté individuelle, utilité publique et péché contre la création, aboutit progressivement à une dépénalisation du suicide (décidée par Frédéric II de Prusse dès 1751) et à un rejet de ses causes vers l’irresponsabilité pathologique. Un discours « public », donc, mais prisonnier des querelles de ceux qui le portent au public. V.L. s’attache, dans la seconde partie de son ouvrage, à le confronter à la pratique concrète des témoins et des juges. Elle montre ainsi que la dépénalisation de fait, au cas par cas, commence dès 1740, bien avant que le débat des Lumières n’aboutisse au même résultat. Elle souligne aussi que pasteurs et médecins, loin d’opposer leurs arguments comme le feront leurs confrères écrivant sur le sujet, se rejoignent au contraire dans leurs appréciations des cas individuels et concluent de plus en plus à des circonstances atténuantes qui permettent l’enterrement discret, mais honorable, du suicidé. Elle décrit enfin, et surtout, le caractère complexe de l’évolution des attitudes envers le suicide, qui varient selon les cas. Ce faisant, V.L. parvient à faire se rejoindre histoire des idées et histoire des représentations collectives et à proposer de reprendre à nouveaux frais, sur des thèmes précis et des études localisées, l’étude de leurs relations réciproques.

3Christophe DUHAMELLE

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Pour citer cet article

Référence électronique

Christophe Duhamelle, « LIND, Vera, Selbstmord in der Frühen Neuzeit. Diskurs, Lebenswelt und kultureller Wandel am Beispiel der Herzogtümer Schleswig und Holstein », Revue de l'IFHA [En ligne], Date de recension, mis en ligne le 01 janvier 2000, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/ifha/1330 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ifha.1330

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