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2001

FRIEß, Peer, KIEßLING, Rolf, Konfessionalisierung und Region

Christophe Duhamelle
Peer FRIEß, Rolf KIEßLING (dir.), Konfessionalisierung und Region, Konstanz : UVK (Forum Suevicum, 3), 1999, 316 p., 78 DM (€ 39,88).
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Texte intégral

1C’est dans son ancrage régional et dans la primauté accordée aux études de cas que cet ouvrage, issu d’un colloque qui s’est tenu à Memmingen en novembre 1997, trouve son unité. Les quatorze contributions témoignent en effet de l’évolution que connaît actuellement l’appréciation portée par les historiens du religieux sur le concept de confessionnalisation. Celui-ci, rappelons-le brièvement, a été diffusé par Heinz Schilling et Wolfgang Reinhard et a invité les historiens à replacer à la fois les Réformes protestantes et la Réforme catholique dans un mouvement plus large de constitution des États en instances de « disciplinarisation » des sociétés, et d’établissement d’un ordre européen mieux structuré et plus antagoniste. Ce concept était donc marqué par une relativisation des différences entre les confessions, par une primeur accordée aux institutions normatives et par l’adoption d’un point de vue général. La confessionnalisation a par conséquent rendu l’immense service de contribuer à « déconfessionnaliser » l’histoire des confessions et de réintégrer pleinement le facteur religieux dans la discussion générale sur les facteurs de la « modernité » et de sa réalisation progressive, en particulier au sein des États.

2Mais le succès même du concept, multipliant les études concrètes, en a souligné les limites. La forte contribution de H.R. SCHMIDT peut servir d’emblème à la remise en cause de la primauté du « haut » sur le « bas », supposée par la notion de « discipline sociale ». Dans son étude sur les tribunaux paroissiaux du canton de Berne de la Réforme à 1800, il montre en effet comment les prescriptions de « discipline morale » s’inscrivent dans des demandes et des résistances locales qui en modifient la nature et en relativisent les résultats sur le long terme. De même, U. STRASSER, introduisant le paradigme des relations entre hommes et femmes dans l’étude des procès en recherche de paternité ou pour rupture de fiançailles à Munich dans la première moitié du XVIIe s., met au jour l’interaction entre les prescriptions, les utilisations, les argumentations : l’évolution des normes conduit davantage à une exonération qu’à une moralisation des responsabilités masculines envers la sexualité hors-mariage.

3Le caractère local des études, dans une région qui multiplie les coexistences confessionnelles, amène également à cartographier les points de friction réels, ainsi que les zones de neutralité quotidienne et donc à démarquer les uns et les autres des normes édictées par les autorités ecclésiastiques ou étatiques. L’étude de P. HOSER sur trois petites communautés calvinistes enchâssées dans les terres du prince-abbé de Kempten en offre un exemple fascinant, de même que les relations entre la ville libre luthérienne d’Isny et le couvent catholique immédiat qui se trouve dans ses murs (W. PETZ), les relations interconfessionnelles dans la région du lac de Constance (K.H. BURMEISTER) ou encore les conflits confessionnels quotidiens dans l’Augsbourg de la seconde moitié du XVIIe s. (C.A. HOFFMANN). Dans tous les cas, certains domaines (le cimetière et les funérailles, ou encore la moquerie et l’honneur, moment primordial dans l’intériorisation des identités confessionnels) acquièrent une importance qui invite à réviser la hiérarchie des facteurs introduite par le concept de confessionnalisation. En revanche, les « terrains neutres » existent, dûment codifiés et parfois inattendus : le règlement des bains soufrés d’Hohenems, en 1677, interdit ainsi explicitement toute allusion aux disputes religieuses.

4L’attitude des autorités elles-mêmes n’a pas toujours la force et la cohérence qu’on lui a supposées. Le rythme et la direction de la confessionnalisation dans les villes d’Empire de haute Souabe dépendent ainsi au moins autant de la stratégie politique locale que d’un projet religieux et social clairement défini (P. FRIEß). Les moyens de la coercition atteignent assez vite leurs limites, par exemple lorsque des intérêts économiques sont en jeu (W. WÜST sur la censure des livres dans les villes d’Empire) et même les groupes les plus réprouvés, comme les anabaptistes, connaissent en fait un sort différencié (G. SIMON). En définitive, placer une étude localisée dans la perspective de la confessionnalisation semble souvent relever de l’équilibrisme : sur ce point, le bel article d’O. FELDBAUER sur les prêtres de l’évêché de Freising entre 1560 et 1685 est un bon exemple des interactions entre type normatif, pratique de l’autorité, utilisation autonome des prescriptions par les paroisses et résistance des curés – mais aussi de la difficulté pour l’historien de privilégier, face à ces résultats, un cadre interprétatif.

5À ce stade de la recherche, les jugements sur le concept de confessionnalisation sont donc diversifiés : l’introduction de R.K. et P.F. fait le bilan d’une controverse illustrée par les deux articles suivants. Si H. SCHNABEL-SCHÜLE nuance, de « l’intérieur », un concept qu’elle souhaite rendre plus performant en proposant une diversification des échelles d’analyse et une extension de la chronologie jusqu’à la fin du XVIIIe s., afin de faire droit aux spécificités de l’évolution catholique, W. ZIEGLER, lui, donne à ses critiques précédentes un tour radical et préconise l’abandon du concept de confessionnalisation. Fondé sur un refus du théorique qui, en Allemagne plus qu’ailleurs, fait figure de provocation volontiers « rétro », il pose néanmoins quelques questions bienvenues : peut-on systématiser une situation propre à certains territoires allemands et considérer a priori la diversité comme une échelle secondaire de l’analyse historique ? Est-il légitime de rassembler sous un même concept des confessions dont le critère essentiel de distinction était précisément la certitude de détenir des Vérités antagonistes ? La liste abondante (le droit d’Empire, par exemple) des domaines échappant au confessionnel ne doit-elle pas inciter à séparer, sur de nouvelles bases, ce qui relève du religieux et ce qui relève du politique et du social, plutôt que d’élever leur synergie en système d’interprétation ?

6On aura donc compris que, lu dans la perspective d’une évolution historiographique, ce volume va au-delà d’une simple collection d’études de cas. Il advient au concept de confessionnalisation la plus belle fécondité qui soit : celle d’engendrer ses propres dépassements.

7Christophe DUHAMELLE

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Pour citer cet article

Référence électronique

Christophe Duhamelle, « FRIEß, Peer, KIEßLING, Rolf, Konfessionalisierung und Region », Revue de l'IFHA [En ligne], Date de recension, mis en ligne le 01 janvier 2001, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/ifha/1270 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ifha.1270

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