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2003

DÜRR, Renate, ENGEL, Gisela, SÜßMANN, Johannes, Eigene und fremde Frühe Neuzeiten. Genese und Geltung eines Epochenbegriffs

Christophe Duhamelle
Renate DÜRR, Gisela ENGEL, Johannes SÜßMANN (dir.), Eigene und fremde Frühe Neuzeiten. Genese und Geltung eines Epochenbegriffs, München : Oldenbourg (Historische Zeitschrift, Beiheft 35), 2003, 171 p., 34,80 €.
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Texte intégral

1L’« époque moderne » (Frühe Neuzeit) est une idée neuve en Allemagne. Elle suscite débats et réflexions, d’autant que sa légitimité ne va pas de soi : nombreuses sont par exemple les recherches qui prennent pour objet la période « à cheval » sur les XVIIIe et XIXe s. Ce recueil contribue de façon originale à la discussion en élargissant la perspective au-delà de l’Europe occidentale, d’une part, et en lui conférant d’autre part une dimension interdisciplinaire. Issu d’un colloque tenu en décembre 2001 à Francfort-sur-le-Main, l’ouvrage propose en effet une réflexion sur ce que représente l’histoire moderne pour les historiens marxistes (M. MIDDELL), l’historiographie du judaïsme (M. SCHLÜTER), pour l’histoire littéraire de l’Espagne au Siècle d’Or (F. HASSAUER, M. BIDWELL-STEINER), pour l’historiographie turque (S. FAROQHI), dans la perspective de l’histoire de la littérature arabe (R. ELGER) et parmi les historiens chinois (A. MITTAG). L’introduction de R.D., G.E. et J.S. souligne d’emblée le résultat majeur : la période moderne, loin d’être une spécificité de l’historiographie « occidentale », constitue une référence – certes controversée – dans tous les domaines abordés, ce qui a le mérite de poser la réflexion chronologique en termes de circulations culturelles et de systèmes intellectuels, échappant ainsi à la tentation, dénoncée dès la première page, d’« ontologisation » des périodes historiques. Cette approche comparatiste large, soulignons-le d’emblée, apporte au lecteur de nombreuses informations et lui ouvre de vastes perspectives.

2La satisfaction n’est cependant pas sans nuances, car un certain flou règne sur quelques points cruciaux. Il est en premier lieu surprenant de lire que « l’historiographie occidentale » a découvert l’époque moderne dans les quatre dernières décennies ; c’est oublier un peu vite l’historiographie française, qui a très tôt considéré la Révolution comme une rupture majeure et a joué un grand rôle dans la définition de l’« Ancien Régime », un terme pourtant repris tel quel en allemand. Puisque les historiens turcs, dès les débuts de leur République, ont cherché à adopter la périodisation française (p. 108), c’est bien que cette dernière existait déjà. Supposer une unité « occidentale » en cette matière revient à gommer des tensions entre historiographies nationales qui sont fondamentales pour la compréhension du sujet. Deuxième problème : tous les articles ne poursuivent pas le même but. Certains semblent vouloir démontrer la légitimité de la période, comme U. MUHLACK qui, dans une perspective assez traditionnelle, isole au sein de l’histoire politique européenne le temps du « système des États » entre celui de la Christianitas et celui des nations, ou comme R. Elger, qui voit dans les autobiographies arabes des XVIe et XVIIe s. une émergence du moi comparable à celle qui est censée caractériser la modernité européenne. D’autres s’interrogent plus généralement sur l’idée même de périodisation, soit dans l’optique du marxisme, soit dans celle du judaïsme – dont les historiens, rappelle M. Schlüter, en l’absence d’un cadre étatique unitaire, oscillent entre une chronologie diffractée par les multiples contextes et une périodisation propre peu concevable en-dehors du religieux –, soit dans une réflexion sur les styles littéraires espagnols qui rejoint, de manière plus absconse, quelques remarques de R. Koselleck. Dans certaines contributions, l’objet n’est d’ailleurs plus la Frühe Neuzeit, mais la Neuzeit toute entière et le thème plus périlleux de la « modernité ». Le troisième déficit est peut-être le plus important : bien que l’introduction oriente le regard vers une histoire et une sociologie du savoir (la division en spécialités et les efforts de celles-ci pour légitimer leur pré carré, par exemple), la plupart des articles se cantonnent à une histoire intellectuelle au sens le plus étroit, égrenant en ordre chronologique les historiens (surtout du XXe s.) et leur opinion sur la périodisation. À quelques allusions près, le contenu méthodologique donné à « l’histoire moderne », c’est-à-dire l’individualisation d’une manière de faire l’histoire pour étayer une manière de découper le temps, n’est pas abordé ; la temporalité choisie est pourtant affaire de méthode autant que de choix théorique ou (pour pointer un autre terme plusieurs fois mentionné, mais sans que le recueil se donne les moyens de l’analyser vraiment) de « mémoire collective ».

3Christophe DUHAMELLE

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Pour citer cet article

Référence électronique

Christophe Duhamelle, « DÜRR, Renate, ENGEL, Gisela, SÜßMANN, Johannes, Eigene und fremde Frühe Neuzeiten. Genese und Geltung eines Epochenbegriffs », Revue de l'IFHA [En ligne], Date de recension, mis en ligne le 01 janvier 2003, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/ifha/1069 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ifha.1069

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